"La science ouverte, un outil révolutionnaire pour relever les futurs défis mondiaux"

Interview de Benjamin Vandeberg, juriste au sein de SynHERA
30 juin 2020 par
"La science ouverte, un outil révolutionnaire pour relever les futurs défis mondiaux"
SynHERA, Déborah TOUSSAINT

Le 11 mars 2025, la plénière du Parlement européen a adopté un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre d’Horizon Europe en vue de son évaluation intermédiaire et de ses recommandations pour le 10e programme-cadre de recherche.

Le rapport s'appuie sur une analyse du programme et sur les constats des rapports Letta, Draghi et Heitor, qui alertaient sur le déclassement technologique de l'Europe et l'insuffisance de valorisation de sa recherche.

Le rapport conclut que la Commission n'a pas assuré une gestion agile d'Horizon Europe. Il propose donc des pistes pour FP10, le futur programme-cadre, afin de corriger ces dysfonctionnements.

Le programme Horizon est structuré autour de quatre piliers, résumés dans le graphique ci-dessous :

Tableau 1: les piliers du programme Horizon, source: Horizon Europe[1]

 

Ces piliers ont chacun des caractéristiques propres

Le 1er pilier Excellence Scientifique finance des projets de recherche fondamentale à haut risque et potentiel ainsi que les talents scientifiques via des programmes comme les ERC (Conseil européen de la recherche) et les bourses Marie Skłodowska-Curie.

Le 2ème pilier Problématiques mondiales et compétitivité industrielle européenne encourage le développement de partenariats à l’échelle européenne ainsi que la mise en commun des ressources et des connaissances sur le continent. Il soutient des projets d’envergure notamment à travers la création de « Joint Undertakings » — des mécanismes destinés à établir des partenariats public-privé (PPP).

Ce pilier est critiqué pour sa gestion trop complexe (approche top-down et multiplicité d’instruments), ce qui freine les petits acteurs. Il devrait privilégier les résultats plutôt que le contrôle des dépenses et mieux équilibrer recherche fondamentale et innovation marché, tout en réduisant l’éparpillement des projets.

Le 3ème pilier Europe Innovante a permis des progrès dans la valorisation de la recherche, notamment grâce à ses deux instruments :

  •  L’European Innovation Council (EIC) qui soutient l'innovation de rupture, en combinant subventions et investissements en capital-risque de la phase start-up jusqu’à la maturation industrielle et commerciale.
  •  L’European Institute of Innovation and Technology (EIT) qui renforce la coopération entre les acteurs d’un même secteur (enseignement supérieur, recherche, entreprises).

 Cependant, leur efficacité est limitée par une bureaucratie excessive, des règles complexes et des coûts dissuasifs, appelant à plus de simplicité et d’autonomie.

Le 4ème pilier transversal vise à réduire les inégalités régionales en innovation et R&D, permettant à l'Europe de mieux exploiter son potentiel scientifique. Son déploiement est freiné par l'hétérogénéité des politiques nationales. Le Parlement recommande d'imposer des obligations aux États membres et d'optimiser l'échelon de financement (européen, national ou régional). Une task force dédiée est proposée pour harmoniser les stratégies et accroître les budgets R&D de manière coordonnée.

Problèmes identifiés

Malgré les efforts de simplification, la bureaucratie continue d’étouffer Horizon Europe, avec 32% des acteurs constatant une aggravation vs Horizon 2020 et 50% aucune amélioration. Un projet sur deux y consacre plus de 10% de son budget en tâches administratives, et 10% dépensent jusqu’à 20% de leur budget – pendant que les délais de financement explosent les 8 mois réglementaires.

Cette lourdeur exclut les PME innovantes et fait fuir les talents, réduisant mécaniquement le taux de succès des projets. Le "lump sum", solution partielle, crée un paradoxe : simplification des coûts mais complexité accrue des audits ex post.

Le Parlement exige un rééquilibrage immédiat entre logistique et science, et un déploiement ciblé du financement forfaitaire après analyse rigoureuse.

Les consortiums imposés par Horizon Europe complexifient encore plus la gestion des projets, avec des coûts administratifs croissants proportionnellement au nombre de partenaires, décourageant PME et nouveaux entrants. Malgré ces obstacles, Horizon Europe a permis à 50% des PME participantes d'intégrer le programme pour la première fois, révélant un potentiel inexploité. La tendance inquiétante au repli des partenariats internationaux (2021-2027) souligne l'urgence d'alléger les contraintes pour revitaliser la collaboration transnationale.

Le Parlement identifie la nécessité d’une meilleure coordination des politiques scientifiques européennes, notamment en alignant les politiques d’investissement et la sélection des projets en fonction de leur potentiel d’impact et sur base des stratégies européennes.


Enfin, le rapport formule une série de recommandations pour la prochaine version du programme de recherche :

  • Prioriser la vulgarisation et la diffusion des résultats afin de renforcer la confiance dans les programmes de R&D et susciter l’adhésion du public aux financements de la recherche.
  • Mieux équilibrer recherche et innovation commercialisable, car l'approche actuelle ne soutient pas assez les idées réellement disruptives.
  • Définir des objectifs simplifiés pour les missions, ancrer l’approche "bottom-up" dans les besoins de terrain, et appliquer une gestion par portefeuille des projets favorisant l'interdisciplinarité (sciences humaines/exactes).
  • Last but not least, favoriser des consortiums plus petits et consacrer l'utilisation des fonds restants pour financer des projets R&D ciblés, afin de réduire les barrières à l'entrée des nouveaux acteurs.


[1] https://www.horizon-europe.gouv.fr/horizon-europe-c-est-quoi-24104

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La crise du coronavirus n’a épargné personne : impacts climatiques, économiques, sociaux… c’est toute notre société qui a été bouleversée. Et le monde scientifique n’a pas échappé à la règle. Une course folle est en train d’être menée par les chercheurs du monde entier pour cerner ce virus, connaître les moyens thérapeutiques adéquats et, évidemment, trouver un vaccin. Face à ces différents défis, il est primordial de diffuser l’information scientifique. C’est là que l’Open Access entre en jeu. Un outil informatique utile, mais pas sans risque, comme nous l’explique Benjamin Vandeberg, juriste au sein de SynHERA. 

Benjamin Vandeberg, pouvez-vous nous expliquer l’utilité que peut avoir l’Open Access durant une pandémie, comme celle du covid-19 ? 

Face à l’état d’urgence auquel chaque pays a été confronté avec cette pandémie, il était impératif que les scientifiques mondiaux puissent communiquer et échanger les rapports d’analyses afin de gagner du temps sur la propagation de la maladie et sauver un maximum de vies. En autorisant l’accès libre à l’information scientifique, l’opportunité est donnée aux chercheurs d’orienter, d’ajuster, d’affiner, voire de rediriger leurs travaux en fonction des essais de leurs pairs dispersés dans le monde. Comme on le dit « L’union fait la force » ... Il s’agit ici d’une force collective et internationale pour mieux connaître cette nouvelle maladie et la vaincre le plus rapidement possible. 

 

L’Open Access a également joué un rôle pédagogique durant cette crise… 

En effet, tout d’abord au niveau de la continuité de la formation des chercheurs. Ceux-ci ont eu accès gratuitement aux publications de données, alors que d’habitude ils doivent débourser des sommes importantes pour s’abonner à un grand nombre de revues scientifiques. Ensuite, avec l’Open Access, les citoyens ont eu l’occasion de se maintenir en permanence informés sur le covid-19. Ils ont ainsi pu mieux le comprendre et adopter le comportement recommandé par les experts de la santé publique. Dans ce contexte, c’est un formidable outil pédagogique pour la population.

Cependant, si l’Open Access a eu une réelle utilité durant cette crise, il n’en demeure pas moins que cet outil a aussi connu des limites.

 

Et quelles sont-elles ? 

Si la diffusion automatique sur le net des informations scientifiques accélère l’apprentissage des connaissances, elle devient aussi la porte ouverte aux publications trop hâtives de chercheurs. Des publications non contrôlées par leurs pairs et, par conséquent, au contenu erroné, sujet à des interprétations douteuses, voire à des erreurs dans la réorientation de la recherche.

De plus, en mettant gratuitement à disposition de tout internaute des données, par exemple, sur le profil des personnes contaminées, sur leur géolocalisation, il demeure un risque de porter atteinte au droit fondamental de la vie privée.

 

Concernant les éditeurs de revue, ont-ils tous rejoint l’initiative Open Access avec la même implication ?

Après s’être opposés à l’accès gratuit des recherches scientifiques, certains y ont finalement contribué de telle façon à répondre favorablement à l’effort de collaboration scientifique souhaité notamment par l’OMS.  Malheureusement, si beaucoup d'articles ont été rendus accessibles à un grand nombre de chercheurs, d’autres, par contre, au contenu peut-être jugé trop secret, sont restés propriétés d’éditeurs soucieux de les monnayer. Voici un bien triste constat où l’intérêt personnel a pris le dessus sur l’avantage collectif amené par l’Open Access.

 

Finalement, quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer concernant l’impact de cette pandémie sur l’Open Access ? 

Nous pouvons dire que dans une crise sanitaire, comme celle du coronavirus, la « science ouverte » peut apporter une vraie réponse face aux différents défis auxquels les chercheurs sont confrontés. Cependant, il est fondamental que la diffusion et l’échange d’informations rendus possibles par l’Open Access le soient avec le souci permanent d’améliorer la qualité des connaissances, mais aussi avec celui de respecter les valeurs éthiques.

"La science ouverte, un outil révolutionnaire pour relever les futurs défis mondiaux"
SynHERA, Déborah TOUSSAINT 30 juin 2020
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